vendredi 23 juin 2017

Librairie française de Rome: Libreria Stendhal


Quand vous vous perdez dans rue de Rome comme il convient de le faire pour bien découvrir la ville éternelle, immanquablement vous tomberez sur la librairie française  nouvellement baptisée Libreria Stendhal. Idéalement, située entre la célèbre Piazza Navona et le Panthéon, elle jouxte l’Institut français et l’église Saint Louis des Français célèbre pour son ensemble du Caravage.  
Cette librairie a vu le jour au sortir de la seconde mondiale, par le biais du philosophe Jacques Maritain alors ambassadeur près du Saint-Siège, qui créa à Rome le Centre culturel français et très vite souhaita lui adjoindre une librairie. Celle-ci ouvre ses portes en 1955, mais malheureusement ferme 20 ans après. 1984, La Procure la fait renaître et après diverses reprises,  le 1er décembre dernier Marie Eve Venturino, libraire aguerrie venue du sud de la France, en prend  les rênes.  Pour marquer le changement et lui imprimer son style elle la rebaptise Libreria Stendhal et la dote d’une identité visuelle des plus marquantes représentant le célèbre auteur de « La chartreuse de Parme » et de « Promenade dans Rome ». Rencontre avec une libraire qui n’aime rien tant que les échanges qui vous mène sur les chemins de traverse et qui volontairement bouscule  notre interview pour nous livrer avec beaucoup de générosité ses bons conseils de lecture.
Quels sont vos coups de cœur  du moment ?  Plus que coups de cœur, je dirais questionnement du moment.  L’actualité politique me pousse depuis quelques temps à m’intéresser au sens des mots, de l’écrit en général contre les discours ambiants, la médiatisation à outrance des pensées vides. Je crois que la librairie peut être un lieu de réflexion et d’action en ce sens. Un lieu de dialogue constructif et collectif. Je viens de relire « Les mots sans les choses », un court essai d’Éric Chauvier paru chez Allia que je trouve particulièrement pertinent sur les dérives du langage. De même, Bernard Aspe, « Les mots et les actes » aux éditions Nous et « En quel temps vivons-nous ? » La conversation entre Jacques Rancière et Éric Hazan parue aux éditions La Fabrique. 
Et du côté des auteurs étrangers ?
Des auteurs italiens bien sûr. Il y en a une longue liste, mais je dirais Amelia Rosselli une femme poète. Son recueil « Documents » paru aux éditions La Barque est une merveille d’écriture dense, politique, intime, expérimentale, ouverte. Je l’ai lu en italien et la traduction de Rodolphe Gauthier est vraiment belle. Dans un autre registre, Paolo Virno philosophe, questionne le langage dans nos expériences, mais aussi comme formes de vie contemporaine. Dans « Grammaire de la multitude : pour une analyse des formes de vie contemporaines » (Éditions de l’Eclat), la notion travaillée de multitude ou de commun sert à comprendre toute forme de vie politique. Pour finir j’indiquerais le numéro 14 de la Revue Nioques consacré aux poètes italiens, recueil qui rend compte de la vitalité de l’écriture de recherche en Italie. 
Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marquée?
Je vais contourner votre question et plutôt vous parler d’un premier essai.  La question linguistique est dans la chose publique, mais aussi en littérature et à ce propos je conseille la réflexion jubilatoire de Florent Coste dans « Explore », paru chez Questions théoriques sur la littérature lieu par excellence de l’exercice du langage, comme exploration des formes de vies et d’investigation de son efficacité sociale et politique.
Quel est le livre culte, le plus emblématique de la librairie
Je vais tout d’abord vous parler de deux livres qui m’ont construite. Libraire depuis presque 24 ans, j’ai appris le métier avec quelqu’un de remarquable : Jean Simon, de la librairie Vents du Sud à Aix en Provence qui a fermé récemment.  En moins d’une semaine il me mettait deux livres dans les mains qui ont étés fondamentaux dans ma construction de libraire : « Les aphorismes » de Wols  (Flammarion) et « Lisbonne  dernière marge » d’Antoine Volodine aux éditions de Minuit .
Mais pour en revenir à la Libreria Stendhal, je vous citerai Pierre Grimal, « Histoire de Rome » (Fayard), écrit par un très grand historien spécialiste, mais un texte à la portée de tous, d’une écriture limpide et poétique. Stendhal bien sur, « Les Promenades dans Rome » (Folio), sur le Caravage….Ou « Rome le firmament » de Gérard Macé (Éditions Le temps qu’il fait), promenade par un esthète dans la Rome baroque, ou « Iles, guide vagabond de Rome », de Marco Lodoli (Éditions La Fosse aux Ours), qui décrit des Iles comme des bulles, des lieux réels, imaginés ou littéraires de la ville qu’il aime et vit. 
Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Cet été j’ai prévu de lire les 4 volumes de « Utopiques » de Miguel Abensour philosophe remarquable malheureusement disparu il y a peu de temps. 
Brèves de librairie
Mes deux plus grandes hontes dans mes premiers jours en tant que libraire française à Rome. La première liée à ma méconnaissance initiale de la langue.  Une cliente me demande donc en italien un livre dont j’avais du mal à comprendre le titre…La cuisine bête…ne comprenant pas bien de quoi il s’agissait, je lui demande à mon tour, un livre de cuisine facile, elle me répond non, c’est un livre de Balzac. Honte absolue, il s’agissait de la Cousine bette….prononcé avec un accent !

La seconde, je demande son nom à une cliente italienne venant chercher sa commande. Elle me répond Loy. Rosetta Loy, moi, non, je vous demande votre nom de famille, pas l’auteur… Elle, mais c’est moi l’auteur. Elle venait nous acheter un livre absolument fantastique que j’avais au demeurant lu, « La première main ». Je ne m’attendais pas du tout à me retrouver devant elle dans la librairie et j’étais terriblement embarrassée. 

Libreria Stendhal 
Piazza di S.luigi de Francesi, 23
00186 Rome Italie

lundi 12 juin 2017

Librairie Le coupe Papier





Un parquet qui craque sous nos pieds, du bois blond qui sent bon, une odeur douce de papier et d’encres mélangés, voilà ce que nos sens perçoivent lorsque l’on franchit la porte de la librairie théâtrale de l’Odéon qui se situe à deux pas du célèbre Théâtre du même nom.  Scène étonnante, on découvre confortablement installés et dans le plus grand silence, de jeunes  apprentis comédiens qui feuillètent des ouvrages à la recherche de scènes à jouer. Ici, l’accueil est un des maîtres mots et c’est pourquoi on s’y sent bien. Avec ses 20.000 références, c’est le précieux repaire parisien pour tous les amoureux du théâtre et des arts du spectacle, classiques ou contemporains.  Son propriétaire depuis 2006 est bien connu du grand public pour son amour de la scène, c’est le célèbre journaliste Philippe Tesson.  Passionné et passionnant, c’est Johan Vitiello responsable de la librairie qui nous reçoit pour nous faire part de ses coups de cœur.

Quel texte d’un dramaturge français voulez- vous nous faire découvrir ?
« Une famille aimante mérite de faire un vrai repas » de Julie Aminthe (Quartet éditions). Ce jeune auteur réussit la prouesse de ne pas faire café-théâtre un peu lourd sur le sujet de la famille. Elle aborde les situations sous l’angle d’un humour amer. C’est une jolie comédie grinçante à souhait.

Du côté des auteurs étrangers que nous conseillez-vous de découvrir ?
« L’abattage rituel de Gorge Mastromas »  de l’anglais Dennis Kelly  (L’Arche). Un théâtre de plateau, noir, très dur, sur la corruptibilité de l’homme. L’ écriture de Kelly est extrêmement contemporaine,  il a un sens aigu de la construction et du drame.

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
Un livre culte pour tout jeune comédien « La formation de l’acteur » de l’auteur et metteur en scène russe Constantin Stanislavski (Petite  Bibliothèque Voyageurs de Payot). Un classique qui délivre les enseignements de la fameuse méthode de l’Actor’s Studio. On le pose en pile à côté de l’ordinateur à la caisse, il est toujours prêt à partir.

 Y a-t-il un roman adapté au théâtre qui vous a particulièrement plu ?
« Les particules élémentaires » de Michel Houellebecq (Flammarion) cette adaptation théâtrale par un jeune metteur en scène de 27 ans Julien Gosselin est un spectacle-fleuve de quatre heures, qui file à toute allure  et sert merveilleusement ce roman culte et sa poésie singulière. Mais je pourrais aussi vous citer « Les bienveillantes » de Jonathan Littel (Gallimard) admirablement adapté par Guy Cassiers. Une fresque puissante sur un sujet aussi dur qu’exigeant.

Quel livre sur la dance nous recommandez-vous ?
« Je suis une femme respectable » de Josephine Ann Endicott. Le récit de son travail avec Pina Bausch dans les années 70 à Londres où s’opérait alors une véritable révolution chorégraphique. Un livre passionnant même pour ceux qui ne connaissent pas la danse.

Et sur le cirque, quel est votre conseil de lecture ?
« Le clown Arletti » de François Cervantes et Catherine Germain (Magellan et compagnie). Ce beau livre présente la maman de tous les clowns contemporains,  qui ne sont pas les augustes caricaturaux moqués par les clowns blancs et les Messieurs Loyal mais des clowns d’une profonde poésie.


Une brève de librairie
Alors qu'une nuit, j’ai ouvert exceptionnellement la librairie après une représentation à l’Odéon pour un dramaturge Jean –René Lemoine  qui voulait son propre texte, sont arrivés de façon totalement inattendue un metteur en scène accompagné d’un universitaire russe qui ont acheté pour pas loin de 1000 euros de livres. À une heure du matin, on y était encore,  on s’est mis à fumer des cigarettes dehors sur le trottoir et refaire le monde. Un moment inouï. Je me souviens aussi d’une discussion d’une heure à la librairie entre Patrice Chéreau et Luc Bondy qui avaient le projet de créer ensemble à l’Odéon « Comme il vous plaira » de  Marivaux. Le coupe-papier est une librairie qui  vous permet de vivre des moments uniques comme ceux-là.

Le Coupe Papier
19 rue de l’Odéon
75006 Paris
01 43 54 65 95




vendredi 9 juin 2017



Ne vous méprenez pas, en dépit de son nom qui évoque cette plante hallucinogène associée aux rituels magiques, cette librairie n’est aucunement ésotérique . Née en 1991 de la fusion de deux librairies, l’une spécialisée jeunesse, l’autre orientée littérature, la Mandragore  est devenue généraliste en offrant d’autres rayons comme les sciences humaines ou la bande dessinée. Lætitia Tillier et Laurent Thomashausen ont repris l’enseigne en 2014 en douceur dans un esprit de continuité. Toujours partants pour des manifestations hors les murs, La Mandragore  en association avec  l’Espace des arts et la bibliothèque municipale de la ville, organise tous les deux ans depuis 6 ans, une manifestation littéraire intitulée « Pages en partage » où des lecteurs lisent l’œuvre d’un auteur  pour ensuite  partager avec ce dernier et le public, le fruit de leurs échanges. C’est Lætitia Tillier qui nous reçoit aujourd’hui pour partager ses derniers coups de cœur.

Quel est votre livre culte, le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
« Luz ou le temps sauvage » de Elsa Osorio (Métailié – Points). « Attention chef-d’œuvre » c’est le bandeau que nous avons mis sur ce livre qui vous embarque en Argentine sous la dictature et l’affaire des enfants disparus. Il y a deux récits qui s’entremêlent très habilement, l’un en italique, l’autre normal. Un roman follement romanesque et d’une haute tenue littéraire. 

Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
« Songe à la douceur » de Clémentine Beauvais dans la collection « Exprim » pour ados des Éditions  Sarbacane.   C’est l’adaptation en vers version XXI siècle de Eugène Onéguine de Pouchkine. Un livre très au gout du jour sur une histoire d’amour entre deux jeunes. Une véritable prouesse littéraire.  

Une brève de librairie :
Alors que notre façade est d’un rouge vif des plus voyants et que nous sommes situés en plein cœur de la ville, souvent des visiteurs châlonnais poussent la porte l’air étonné et nous demandent « Ça fait longtemps que vous êtes là ? » et nous de leur répondre  avec un sourire « depuis 25 ans seulement ! ».  

Librairie la Mandragore
3 rue des tonneliers
71100
Chalon-sur-Saône

Librairie Mots en marge


Il y a le rythme des saisons et ici, dans cette librairie il y a le « rythme des auteurs» que Nathalie Iris suit, soutien et accompagne inlassablement avec passion depuis 2005. Après un parcours dans les ressources humaines, elle choisit de donner un nouveau cap à sa vie en devenant libraire. C’est aux portes de Paris, dans les Hauts-de-Seine, qu’elle créée « Mots en marge », un espace chaleureux d’une quarantaine de mètres carrés où elle défend avec vivacité les livres qu’elle aime. En lisant « En marge » de Jim Harrison, elle trouve l’inspiration pour baptiser son enseigne située place du marché de la Garenne-Colombe. Quand elle organise des rencontres ou évènements, c’est tout le quartier alentour qu’elle entraîne dans son sillage comme pour « La Nuit blanche des livres »  où dans les vieilles Halles Eiffel, une quarantaine d’auteurs sont réunis chaque année pour des rencontres et dédicaces. Ne ratez pas la prochaine édition qui aura lieu le 23 juin prochain. Et en attendant, partageons avec Nathalie Iris ses derniers coups de cœur.

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur depuis toujours ?
C’est un classique: « L’insoutenable légèreté de l’être » de Milan Kundera (Folio). Un roman d’une intelligence fabuleuse. Ses personnages bougent, évoluent avec le temps selon les époques de la vie où on le lit et le relit. Cela fait trente ans qu’il m’accompagne. Sa force est aussi romanesque que philosophique. 

Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Je suis amoureuse d’Anton Tchekov et je voudrais lire sa correspondance  « Vivre de mes rêves. Lettres d’une vie » (Bouquins Robert Laffont ). 

Une brève de librairie :
Le vibrant hommage rendu à la librairie indépendante par un couple de nonagénaires qui poussant la porte de « Mots en marge » s’est écrié  « Bonjour, on vous félicite d’exister : vous libraire, votre librairie et les livres que vous défendez !»

Mots en marge
11 place de la liberté
92250 La Garenne-Colombes
0142 42 85 56